L’affranchie

Cette petite sculpture est la première d’une série de terres cuites, j’y découvre de nouvelles manières de travailler la terre. Curieusement la forme qui est venue c’est un visage sur lequel j’avais travaillé l’année passée, cherchant sans succès sa présence dans un morceau de cire.   Cette jeune femme est très inspirée de la statuaire égyptienne qui me fascine.

On me demande toujours pourquoi elle n’a pas de cheveux? D’abord parce que j’éprouve toujours une certaine difficulté à sculpter des cheveux… ils ont quelque chose de narratif et qui renvoie souvent à des modes. Ensuite parque la forme d’un crâne a quelque chose de très sculptural, qui semble simple mais répond à une vraie complexité et à une certaine pureté de la forme. On trouve beaucoup de visages sans cheveux dans la statuaire égyptienne. Aujourd’hui, nous associons cette absence de cheveux à l’esclavage… Aussi le nom qui s’est imposée est « l’affranchie »,  car par la légèreté de son sourire, il est évident que cette jeune femme s’est affranchie de toute servitude. La question de la servitude des femmes est au cœur de notre civilisation, elle est intimement liée à l’esclavage, à la marchandisation et l’instrumentalisation d’êtres vivants auxquels on ne reconnait aucune souveraineté sur leur propre corps. Cette affranchie formule l’espoir que nous puissions sortir vraiment et définitivement de cette manière de penser . Il faudrait pour cela , je crois changer de civilisation, tant cette question est inhérente à notre histoire. Malheureusement on a plutôt l’impression aujourd’hui d’assister à un retour en force d’un machisme brutal, et curieusement la question des cheveux (et peut être d’une manière plus gnérale celle de la pilosité) semble être  très liée à la domination masculine. Est-il donc si difficile de se concevoir mutuellement comme des êtres libres!?

 

Photographies, Mustapha Azéroual.
Sculpture VINCENT.